Alors que l’Europe s’efforce de décarboner son mix énergétique pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, les énergies marines renouvelables commencent à jouer un rôle de plus en plus central. De l’Écosse aux côtes portugaises, en passant par les fjords norvégiens, les projets innovants se multiplient et redessinent le paysage énergétique du continent. Mais comment ces énergies venues des flots marins participent-elles concrètement à cette transition ? Plongée dans cet univers en pleine effervescence.
Les différentes formes d’énergies marines renouvelables
Les mers et océans n’offrent pas qu’une belle vue : ce sont de véritables réservoirs énergétiques. On distingue principalement cinq types d’énergies marines, chacune exploitant une caractéristique particulière :
- L’énergie hydrolienne : produite par les courants marins, semblable à une éolienne sous l’eau.
- L’énergie houlomotrice : tirée du mouvement des vagues à la surface de l’eau.
- L’énergie marémotrice : exploitant la force des marées montantes et descendantes.
- Le thermique marin : basé sur la différence de température entre les couches superficielles et profondes.
- La salinité : exploitant la différence de salinité entre l’eau douce des fleuves et l’eau salée de la mer.
Chacune de ces formes d’énergie a ses spécificités techniques, ses avantages… et ses défis. Mais toutes promettent de compléter intelligemment les énergies solaire et éolienne, souvent dépendantes des conditions météorologiques.
Pourquoi l’Europe mise-t-elle autant sur les énergies marines ?
La réponse tient en un mot : potentiel. Selon la Commission européenne, les énergies océaniques pourraient représenter jusqu’à 10 % des besoins en électricité de l’UE d’ici 2050 (source). Avec 68 000 kilomètres de côtes cumulées, l’Europe possède un atout géographique unique pour devenir un leader mondial dans ce domaine.
En novembre 2020, Bruxelles a d’ailleurs dévoilé un plan d’action ambitieux : la Stratégie européenne pour l’énergie offshore renouvelable. Objectif : multiplier par 25 la capacité actuelle d’ici 2050, en soutenant financièrement les projets innovants et en harmonisant les règles pour favoriser leur essor.
Et l’arsenal juridique suit : la directive européenne 2018/2001 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (RED II) mentionne explicitement les énergies marines comme secteurs stratégiques pour atteindre les objectifs climatiques.
Des projets fascinants déjà opérationnels
En matière d’énergie marine, l’Europe ne rêve pas, elle agit :
- Le parc hydrolien MeyGen en Écosse est le plus grand projet de turbines sous-marines au monde, capable théoriquement d’alimenter 175 000 foyers selon Simec Atlantis Energy.
- La centrale marémotrice de La Rance, en France, fonctionne depuis 1966 et continue d’alimenter environ 225 000 habitants, soit l’équivalent d’une ville comme Rennes (source : EDF).
- Le projet de plateforme flottante WaveRoller au Portugal transforme l’énergie des vagues en électricité propre depuis 2019.
Et ce n’est qu’un début : plusieurs projets-pilotes d’énergie thermique des mers sont en cours aux Açores et à La Réunion.
Une énergie propre… mais pas sans défis
Si les promesses sont grandes, les obstacles restent conséquents :
- Coûts élevés : les infrastructures offshore coûtent cher, de leur conception à leur maintenance.
- Enjeux environnementaux : l’impact sur les écosystèmes marins est scruté de près, comme l’exige le règlement européen 2014/833 relatif à l’évaluation environnementale des projets publics et privés.
- Technologies encore jeunes : beaucoup de solutions sont encore en phase de prototype et doivent prouver leur robustesse face aux conditions extrêmes de l’océan.
Bon à savoir : l’Union européenne finance activement la recherche, via le programme Horizon Europe, pour surmonter ces défis.
Un accélérateur pour l’économie bleue
Ce développement des énergies marines renouvelle l’économie maritime traditionnelle :
- Création d’emplois : ingénieurs offshore, techniciens spécialisés, opérateurs de maintenance… De nouveaux métiers émergent.
- Dynamisation des territoires : ports, chantiers navals et entreprises côtières bénéficient d’investissements massifs.
- Renforcement de la résilience : en diversifiant ses sources énergétiques, l’Europe sécurise son approvisionnement et réduit sa dépendance aux énergies fossiles importées.
L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) estime que le secteur des énergies marines pourrait générer plus de 400 000 emplois d’ici 2050 en Europe (source).
Quels pays européens mènent la danse ?
Certains États membres surfent mieux que d’autres sur la vague bleue :
- L’Écosse a investi massivement dans l’hydrolien et prévoit de tripler sa capacité d’ici 2030.
- La France mise sur son plan national hydrolien et houlomoteur pour atteindre ses objectifs énergétiques à l’horizon 2030, dans le cadre de la loi Énergie-Climat du 8 novembre 2019.
- La Norvège teste les premières plates-formes commerciales thermiques de grande ampleur.
- Le Portugal se positionne comme pionnier du développement industriel de la technologie houlomotrice.
Un vent de coopération souffle également : l’Alliance européenne pour les énergies océaniques, lancée en 2022, rassemble gouvernements et industriels pour accélérer la filière.
Cap sur 2050 : les mers, moteur de la transition énergétique
Les énergies marines renouvelables dessinent une Europe nouvelle, où les infrastructures énergétiques se déploient en mer aussi aisément qu’elles le faisaient autrefois sur terre. A mesure que les coûts diminuent et que les innovations s’accélèrent, leur contribution au mix énergétique européen deviendra essentielle pour répondre à la double urgence climatique et énergétique.
Car après tout, si les océans couvrent 70 % de la surface du globe, pourquoi nos solutions à la crise énergétique n’auraient-elles pas, elles aussi, le goût salé de l’avenir ?